Posté le 13 septembre 2021 par Groupe Socialiste Universitaire
Force est de constater qu’au cours de ces dernières années, le débat sur l’innovation des opérations industrielles à travers l’automatisation est au centre des discussions. Il est à noter que l’automatisation a ses atouts tout comme ses inconvénients. En analysant efficacement ce tandem, l’automatisation demeure indispensable au vu d’une certaine innovation telle que l’intégration des nouvelles technologies, les gains de productivité et la volonté de concentrer ses efforts sur les opérations à forte valeur ajoutée.
De ce fait, faire intervenir l’acte humain que lorsque celui-ci représente un véritable besoin et confier à la machine les tâches répétitives ou nuisibles, tels sont les enjeux de l’automatisation. Néanmoins,l’automatisation n’est pas une panacée et le vieux refrain qui suppose que l’automatisation détruit les emplois est à considérer et nuancer. En observant de plus près le mécanisme par lequel l’automatisation se déploie, nous pouvons constater que ce n’est pas un métier qui est automatisé, mais plutôt des tâches au sein de la production qui le sont. L’automatisation, a fortiori, ne détruit pas des emplois existants sans alternative, mais pour autant, elle s’inscrit dans une logique de destruction de tâches en vue d’en créer d’autres plus qualifiés répondant efficacement au défi de notre temps.
Face à cette transition d’une grande ampleur, les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer dans la compréhension de cette dynamique inévitable. Ils ont également comme mission de se l’approprier et de l’utiliser comme vecteur de d’amélioration de qualité et de quantité des offres d’emplois en France. En ce sens, il est important de comprendre comment l’automatisation est critiquée et quels sont les bénéfices qu’elle peut apporter.
À la suite d’une confrontation de ces deux positionnements, nous aborderons ainsi les stratégies que l’Etat doit mettre en place pour accompagner tous les employés dont l’ emploi et les tâches seront et sont déjàemportées par l’automatisation.
I – Les atouts et les inconvénients de l’automatisation
A) Les atouts de l’automatisation
Afin de pouvoir sereinement appréhender l’impact social et économique du processus d’automatisation, il est tout d’abord impératif de comprendre le mécanisme par lequel l’automatisation se manifeste.
Dans un premier temps, il est extrêmement rare qu’un emploi soit entièrement automatisé ; ce sont des tâches engendrées par les professions en question qui sont automatisées. Cette distinction, semble à première vue anodine, mais les premières études sur l’impact de l’automatisation (qui privilégient une approche par métier) concluent un nombre d’emplois automatisable beaucoup plus fort[1] que les résultats plus sobres et réalistes des études modernes (qui mobilisent une approche par tâche).
De plus, l’arrivée de capital pour remplacer les besoins en main d’œuvre pour une tâche donnée ne se perçoit pas uniquement par le canal de la destruction de l’emploi. Les gains de productivité que peuvent offrir de telles stratégies sont accompagnés à la fois de nouvelles demandes de produits et services qui impliquent un surcroît de travail. Dans le même temps, les structures de demande adressées au service automatisé seront également transformées nécessitant davantage d’emploi pour combler les besoins. [2]
De ce fait, plusieurs travaux économétriques ayant étudié les variations dans les stocks d’emplois à la suite de la mise en œuvre d’une stratégie d’automatisation identifient une création nette d’emploi à la suite de l’automatisation. Selon Aghion, Antonin et Jaravel en 2020[3], il existe plusieurs mécanismes par lesquels l’automatisation peut créer de l’emploi.
Premièrement, un effet dit de volume lié à une hausse de la productivité peut stimuler la production sur le long terme grâce à une hausse de sa fiabilité, sa qualité et rapidité.
De façon plus structurelle, les nouvelles technologies concernées par l’automatisation peuvent également créer de l’emploi par le biais des besoins en nouveaux entrants et services.
Dernièrement, un effet de qualité des métiers peut aussi pérenniser l’emploi dans les secteurs en décroissance structurelle (notamment l’industrie) grâce à la dimension qualifiante de l’automatisation.
B) Les limites de l’automatisation – de l’agrégé à l’individu
L’automatisation n’est pas pour autant la solution miracle aux défis et il existe des critiques légitimes surtout par rapport aux effets sociaux qui peuvent suivre une stratégie d’automatisation. Comme nous l’avons vu, l’automatisation au niveau national et sectoriel peut augmenter l’emploi à long terme. Cependant, il serait malhonnête de prétendre imaginer que des individus qui ont vu leur emploi rendu obsolète par une automatisation accrue bénéficieraient ainsi d’une telle stratégie.
En effet, en l’absence d’accompagnement ou de formation, ou en présence de facteurs empêchant la mobilité professionnelle (vieillesse, handicap, situations individuelles réduisant la disponibilité au travail), certaines démographies seront structurellement entravées et ne bénéficieront jamais de cette destruction créatrice.
Au niveau agrégé, nous pouvons voir des avantages importants de l’automatisation qui favorisent à la fois l’emploi et la possibilité de relocaliser l’industrie. Toutefois, sacrifier une partie non négligeable de la population active pour des gains à long terme peut induire des coûts sociaux immédiats et permanents qui ne peuvent pas être récupérés ou justifiés.
Compte tenu de cette réalité, l’automatisation ne peut être considérée comme une solution miracle aux problèmes auxquels doit faire face l’économie française.
II – La stratégie d’accompagnement que l’Etat doit mettre sur pied
A) Les différents accompagnements de l’Etat aux ouvriers
Afin de rendre plus socialement acceptable un éventuel dispositif d’automatisation, l’État doit mener une politique d’aide massive en vue d’accompagner l’ensemble des demandeurs d’emploi qui vont subir les effets de l’automatisation, quel que soit leur profil ou leur formation. Une attention toute particulière sera nécessaire pour le retour à l’emploi des plus fragiles tels que les jeunes, les seniors et d’autres demandeurs d’emploi de longue durée[4].
De telles politiques ont déjà existé auparavant. En effet, dès la Grande conférence sociale de 2014, quelques propositions ont été faites pour endiguer la problématique de l’emploi parmi lesquelles le droit réel à une formation qualifiante et gratuite désormais accessible pour les demandeurs d’emploi, mobilisable par chacun grâce au compte personnel de formation (CPF) qui est entièrement financé par les partenaires sociaux, l’État et les collectivités via le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, à hauteur de 220 millions d’euros uniquement pour la période de 2014 à 2015[5].
En plus du compte personnel de formation (CPF) il s’en est ensuivi la mise place d’un contrat de professionnalisation dès le premier semestre 2015 dénommé « nouvelle carrière » destiné uniquement aux demandeurs d’emploi ayant eu une longue expérience professionnelle. Il permet d’alterner une formation adaptée à des salariés expérimentés et pratique professionnelle sur le poste, avec une période de formation plus brève que le contrat de professionnalisation de droit commun, afin de permettre à des demandeurs d’emploi seniors expérimentés de réintégrer la vie professionnelle progressivement.
En plus de ce dernier, un contrat de professionnalisation « nouvelle chance » est également disponible pour les chômeurs très éloignés de l’emploi. Ces dispositifs ont permis et continuent de permettre à certains ouvriers de se réorienter vers d’autres débouchés plus dynamiques[6]. Par exemple, ceux que leur métier sera touché par l’automatisation opteront pour l’une des formations offertes par l’Etat en vue de changer d’option.
B) La reconnaissance de nouvelle compétence
Les analyses que nous avons précédemment présentées concernent fortement le cas de ceux qui ont été directement impactés par l’automatisation de leur poste. De façon plus succincte, l’ensemble du dispositif de formation post-éducation de base doit devenir plus fluide pour permettre une meilleure anticipation des besoins futurs et des évolutions du marché du travail du fait des transformations numériques.
Par ailleurs, comme nous l’avons déjà indiqué, certaines situations démographiques sont plus à risque vis-à-vis de l’automatisation du fait que même en présence de formations adaptées, leurs caractéristiques personnelles peuvent les empêcher de faire reconnaître sur le marché ces nouvelles compétences acquises (c’est particulièrement le cas pour les générations plus âgées). Alors que l’État prend plus au sérieux l’approche par les compétences de la politique du travail avec des programmes tels que le CPF et le PIC, d’autres considérations sur la modification structurelle de la manière dont les personnes sont recrutées sont nécessaires.
Plus techniquement, des recherches et des idées politiques doivent être menées afin de donner une plus grande importance aux compétences nouvellement acquises, dans l’arbitrage des candidats au sein du processus de recrutement. Si cette absence de reconnaissance peut s’expliquer entre autres par la plus grande régulation sociale actuellement en vigueur aujourd’hui en France, l’un des enjeux clés des prochaines élections présidentielles pour la gauche sera de proposer une politique du travail crédible qui puisse permettre une plus grande mobilité de l’emploi sans sacrifier les droits sociaux dont nous avons collectivement hérité.
L’automatisation est la politique qui permettra de relocaliser l’industrie et de créer de meilleurs emplois pour notre économie post-covid. Comme nous l’avons montré, ses effets sont beaucoup plus nuancés qu’on ne le croit actuellement dans le discours général, mais ce n’est pas un remède miracle. Une politique intelligente et adaptative doit être mise en place pour accompagner correctement ceux qui peuvent souffrir d’une telle tactique et les ramifications sociales doivent être prises en compte.
Par Hassan Ahmat Djamaladine, Directeur du Pôle Politiques sociales
[1] Selon Frey et Osbourne 2013 47% des emplois recensées au états-unis sont automatisables, inversement Nedelkoska and Quintini 2018 estime cette part a seulement 14%.
[2] Michel Héry, » Les impacts de l’automatisation du travail » , Dans Études 2018/9 (Septembre), pages 43 à 54
[3] Aghion P, Antonin C, Bunel S et Jaravel X., 20 20, « What Are the Labor and Product Market Effects of Automation? New Evidence from France. », CEPR
[4] Site du Gouvernement Français; « Pour l’emploi: L’accompagnement des demandeurs d’emploi » ; Mis à jour le 27 septembre 2019: https://www.gouvernement.fr/action/l-accompagnement-des-demandeurs-d-emploi
[5] Ibidem
[6] Ibid