Posté le 13 janvier 2020 par Groupe Socialiste Universitaire
Par Linah Bonneville, Mario Guglielmetti et Marco Frizon
En 2015, dans une France touchée dans sa chair, tout le peuple se leva un 11 janvier pour crier dans les rues que le terrorisme n’aura jamais raison de la liberté la plus élémentaire dans une démocratie, celle de la liberté et plus fondamentalement : celle de l’expression. Le droit de critiquer le pouvoir sans risquer d’être placé sous surveillance ou d’être persécuté, le droit de donner son opinion sans craindre d’être attaqué par ses opposants, le droit de soumettre à la caricature tous les sujets possibles.
Cependant, cinq ans après l’attentat qui a frappé Charlie Hebdo, il semble qu’une censure publique se soit instaurée progressivement dans notre pays. Le problème est qu’il ne s’agit plus d’attaques envers des opinions racistes, antisémites et discriminatoires mais bien envers des opinions politiques et intellectuelles.
Cela se manifeste aujourd’hui dans les universités où on refuse à un ancien président de s’exprimer sur fond de désaccord politique et au nom de la liberté, lorsque l’on menace une philosophe, lui refusant un débat contradictoire en raison de son avis sur la gestation pour autrui. Dans la Sorbonne même, haut lieu du débat universitaire, une conférence de l’association des étudiants de droit intitulée “La présomption d’innocence à l’épreuve de #BalanceTonPorc” est attaquée en mars 2019 par des militants extrémistes considérant que cet événement n’allait pas à l’encontre d’une protection des femmes victimes d’agression ou de harcèlement.
Ces actes semblent résulter d’une vision individualiste de cette liberté. Seuls les avis allant dans notre sens auraient le droit de s’exprimer, donnant des situations ubuesques. L’on retiendra ainsi l’exemple de la philosophe Sylviane Agackinski, menacée pour sa position contre la GPA, sous prétexte que celle-ci s’apparenterait à de l’homophobie. Au-delà de l’absurdité de l’argument en l’espèce, c’est le principe du contradictoire qui se voit menacé et tend à disparaître. Le plus grave est que cela arrive au sein des universités dont le rôle est justement de permettre le débat. Or, que vaut un débat sans confrontation d’opinion ? Il y a donc, au sein de cette institution, une confiscation du débat par une condamnation morale arbitraire.
Une autre institution est victime de cet arbitraire : la Justice. Nous considérons que l’expression ne sert pas seulement un but politique ou militant. Cette expression consiste aussi à prêter sa voix en justice. Une interrogation majeure survient aujourd’hui lorsqu’il est question de l’institution judiciaire : comment peut-on défendre une victime présumée ou un prévenu si la défense comme la partie civile se heurtent à des menaces, dues à leur argumentaire ? Comment peut-on consacrer le droit de la défense dans une démocratie qui préférerait couper la tête aux prétendus coupables plutôt que de laisser la justice parvenir à la vérité ? Le public semble vouloir se substituer au juge avant même qu’un jugement ne soit rendu. Les procès publics sont aujourd’hui au coeur de l’actualité, à travers l’émergence d’une forme de “présomption de culpabilité” et non plus d’innocence.
De fait, le premier problème que nous soulevons dans ce débat ne concerne pas les actes gouvernementaux ou législatifs qui iraient encadrer et limiter notre liberté d’expression, mais bien une forme populaire d’autocensure, en l’absence d’actions légales ou policières. Ensuite, ce débat s’étendra autour de la libération de la parole haineuse sur les réseaux sociaux.
Face à cette situation, une proposition de loi visant à “lutter contre les propos haineux” sur les réseaux sociaux est en cours d’examen au parlement. Cependant, les dispositions de cette loi posent question en tant qu’elles visent à créer un contrôle extrajudiciaire en donnant le pouvoir de contrôle et de sanction aux plateformes numériques.
Cela nous amène à soulever plusieurs questions : Doit-on autoriser toutes les opinions non pénalisées à s’exprimer librement ? A qui revient le pouvoir de sanctionner les dérapages ? A l’opinion publique, à la Justice ou aux plateformes numériques ?
Pour débattre de toutes ces questions, le Groupe Socialiste Universitaire reçoit :
Me Henri Leclerc, avocat pénaliste, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme ;
Mme. George Pau Langevin, ancienne ministre, députée socialiste de Paris ;
M. Pierre Juston, doctorant en droit public à l’Université de Toulouse Capitole.
INSCRIPTION OBLIGATOIRE : https://forms.gle/iEHYv3jbr3EzGtNa7
LIEU : En Sorbonne
DATE & HEURE : Jeudi 30 janvier à 19H