Groupe Socialiste Universitaire


Economique et social, Recherches

Le retour de l’État providence en période de la pandémie du Covid-19

Posté le 5 août 2022 par Hassan Ahmat Djamaladine

Par Hassan Amat-Djamaladine, directeur du pôle Politiques sociales

Qu’est-ce que l’Etat providence ?

A la différence de l’Etat libéral, l’Etat providence est le modèle d’un Etat qui donne la priorité au « social », (éducation, santé, création d’emploi). Il est nécessaire de souligner que l’idée de l’Etat social n’exclut en aucun cas les priorités régaliennes de l’Etat. En d’autres termes, c’est le synonyme de l’Etat protecteur ou un Etat qui intervient souvent dans la régulation du modèle économique : en guise d’exemple la période de Trente Glorieuses avec la création de la Sécurité sociale en 1945. L’Etat libéral c’est le type de l’Etat qui privilégie « le régalien » (justice, police et défense nationale), il n’intervient pas fréquemment dans la régulation du secteur économique ou la théorie du « le laisser faire » de Vincent de Gournay qui prône la non-intervention de l’Etat dans le secteur économique. Selon les libéraux l’Etat pourrait intervenir dans l’économie que dans le cas où il existe un manque cruel d’initiative privée[1].

Pourquoi dit-on qu’on avait assisté au retour de l’Etat providence avec la pandémie du covid-19 ?

  1. La limite du système néolibéral face au choc économique engendré par la pression pandémique.
  1. La faillite en cascade des entreprises

La pandémie a montré les faiblesses du modèle économique néolibéral en vigueur. Il est indubitable que la propagation du virus a entraîné des conséquences dramatiques sur l’économie mondiale dont les pertes restent difficiles à évaluer. De ce fait, la crise s’est déroulée en trois temps :

  • Dans un premier temps, la Chine décide de confiner en janvier 2020, ce qui entraîne immédiatement la fermeture de nombreuses usines de productions. Cela engendre une rupture d’approvisionnement dans des nombreux secteurs d’activité et aussitôt « le choc de l’offre » pointe à l’horizon.
  • Dans un deuxième temps, le choc de l’offre vu la crise se répercute sur la chaîne économique et provoque « le choc de la demande » au moment où plusieurs pays notamment ceux d’Europe, d’Afrique et d’Amérique ont commencé à se confiner.
  • Dans un troisième temps, la circulation virale du virus a créé une incertitude sur la reprise de l’économie : c’est « le choc de la confiance » qui plane sur les Etats industriels et par conséquent sur l’économie mondiale.

Face à cet engrainage induit par les cumuls des chocs, l’avenir de l’économie a paru incertain. Ainsi, la mise en place d’un traitement pour lutter contre la pandémie pour parvenir à une reprise de la croissance économique devient une urgence [2].

  • Les licenciements en masse et les suppressions de postes dans les entreprises

Selon France Stratégie la chute de la croissance en 2020 des entreprises par rapport à 2019 est très significative : – 35,9 % pour l’ensemble des entreprises et – 29 % pour les PME de 10 à 249 salariés, il s’avère important de savoir qu’au troisième trimestre 2020, il y’a eu 401 100 créations nettes d’emplois salariés dont 312 400 dans le privé et 88 700 dans le public[3], ces chiffres justifient un certain rebond des activités économiques qui se croise avec la chute du taux de participation à ces activités. Vu le choc économique, toutes les entreprises ont été durement touchées. Certains secteurs étaient cependant plus touchés que d’autres tels que l’hébergement et la restauration qui subissent une forte baisse par rapport au secteur manufacturier. En l’espèce la crise sanitaire a provoqué une crise économique,                                    les entreprises procèdent à la restructuration de leurs personnels par le mode opératoire tel que l’annulation de promesses d’embauche, le non-renouvellement des CDD (contrat à durée déterminé). A cet effet, la DARES (Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques) du ministère de travailnote ceci « Le licenciement demeurant marginal bien qu’en légère progression ». A cet effet, d’un côté l’annonce d’un plan de relance massif intervient et de l’autre côté de licenciements se prépare : Renault a supprimé 4 500 postes en France dans les 14 sites en métropole sauf celui de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) qui est concerné. Disneyland Paris a mis fin au contrat de 350 intermittents. Selon le directeur d’Airbnb France, la suppression de 1 900 postes est envisageable et cela touche au total 24 pays. Sur un effectif de 55 000 salariés dans le monde, le groupe britannique Rolls-Royce a supprimé 2 600 emplois dans la division aéronautique. En France, où le groupe est localisé dans les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, entre 3 000 et 5 000 emplois pourraient être concernés à moyen terme vu le choc de la crise[4].

  1. L’intervention de l’Etat dans le secteur économique Keynésianisme, colbertisme ou dirigisme est-il une fatalité ?
  1. Les dispositions sans commune mesure prises par les Etats pour endiguer la crise économique ont-elles été efficaces ?

En France, face à ce fait accomplit l’État a pris son rôle classique de protecteur et stratège. D’abord, par les réquisitions de stocks des masques détenus par les organismes privés et publics. Ensuite, les réquisitions des entreprises fabricant (les masques, le gel hydroalcoolique, les gants etc…). Ces fortes mesures visent à maintenir la stabilité sociale et le vivre ensemble. Les Etats touchés par la crise sanitaire ont usé de leur pouvoir pour prendre en main la gestion de l’économie pour relancer la croissance mondiale qui d’ailleurs accuse un retard économique engendré par les effets de la crise pandémique. Les efforts considérables pour relancer l’économie à tout prix ne sont pas en reste. On remarque une entrée en scène des Etats à travers un investissement massif des fonds publics dans le domaine de la santé et la protection sociale : le soutien aux entreprises à travers le dispositif du chômage partiel en métropole et en Outre-mer, le prêt garanti par l’Etat en faveur des entreprises, les exonérations de charges fiscales aux entreprises, le report de payement de charges fiscales aux entreprises, le repas à 1 euro pour les étudiants, la gratuité vaccinale contre la Covid-19. Enfin, grâce à l’effort de la commission européenne une dette Covid de 750 milliards d’euros a été contractée par les 27 pays membres de l’Union Européenne dont une partie de la somme servira à financer les 40% du plan de relance français qui s’élève à 100 milliards d’euros. Ce plan de soutien piloté par l’Etat a permis d’une part à l’économie d’être résiliente face aux chocs exogènes et d’autre part à la continuité et l’adaptabilité des différents services publics. Aux Etats-Unis une mise en place de deux plans de relance dont le premier est de 1 200 milliards de Dollars soit (1 035 milliards d’euros) et le second est de 3 500 milliards de Dollars[5].

  • La recherche du niveau de la croissance avant la pandémie

Selon la Banque mondiale et le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) la crise du coronavirus n’a sans nul doute d’égale dans l’histoire de l’humanité, mais elle ne sera sûrement pas la dernière ont-ils annoncé. Elle marque le début d’une nouvelle ère à laquelle le monde entier devra s’adapter face aux risques imprévisibles sanitaires et économiques. L’argent mis dans le circuit économique est suffisant pour relancer l’économie pour une recherche de la croissance d’avant la crise. Selon le rapport 2021 de l’Insee le taux de chômage est stable au troisième trimestre 2021 (+0,1 point par rapport au semestre précédent) pour atteindre le chiffre 8,1% de la population active en métropole au niveau du quatrième trimestre 2019 avant la crise sanitaire. L’institut conclut que cette quasi-stabilité du taux de chômage au troisième trimestre 2021 résulte à la fois du fort dynamisme de l’emploi et de celui de la population active[6]. En outre, face aux vagues récurrentes de la pandémie avec ses divers variants. L’Etat a la possibilité de mettre en place un plan quinquennal en soutien à la relance économique en cours à l’image des plans quinquennaux du XXème siècle, de 1946 jusqu’au début des années 1990 piloté par le Haut-Commissariat au plan. En guise de rappel, l’année 1992 marque la fin du plan stratégique depuis lors le concept plan n’a pas disparu mais sa valeur d’engagement a pris d’autres proportions moins fortes sur la détermination d’actions majeures du plan en question. Ensuite, il s’est traduit par une forme de signature des contrats Etat-régions où la programmation du plan est faite par l’Etat. Il se décline en des orientations structurelles et des objectifs qualitatifs tels que : la reconquête d’un haut niveau d’emploi, la recherche de la cohésion sociale et l’adaptation au grand marché européen[7]. En cette période, la planification de l’Etat est essentielle à l’efficacité de l’action publique et permet ainsi d’atteindre de façon coordonnée des objectifs ambitieux dans tous les domaines d’intervention de l’Etat y compris le domaine industriel[8]. En définitive, le but de l’Etat stratège est d’aménager un bon cadre institutionnel bénéfique à la création des richesses. En pleine période pandémique plus précisément en mars 2021 l’exécutif a décidé de réactiver le Haut-Commissariat au plan mais il s’avère intéressant de se demander si l’organe est toujours capable de suivre sa trajectoire stratégique de 1946 à 1990 étant donnée l’urgence actuelle.   


[1] Qu’est ce que l’État providence ?| Vie publique.fr (vie-publique.fr) publié le 15 avril 2022 (consulté le 10/07/2022)

[2] Les conséquences économiques du Covid-19 et ses enjeux géopolitiques | IRIS (iris-france.org) publié le 30 novembre 2020 par Sylvie Matelly (consulté 10/07/2022)

[3] Au troisième trimestre 2020 l’emploi salarié privé et public rebondit, sans retrouver son niveau d’avant-crise – Informations rapides – 313 | Insee.fr publié le 08 septembre 2020 (consulté 10/07/2022)

[4] Covid-19 : faillites et suppressions d’emplois menacent la France (france24.com) publié le 29 mai 2020 (consulté 10/07/2022)

[5] « Face au plan Biden, une partie des Américains ne veulent pas “être le Danemark” » (lemonde.fr) publié le 14 octobre 2021 par Alain Frachon (consulté le 10/07/2022)

[6] Chômage : les chiffres restent stables au troisième trimestre, selon l’Insee (francetvinfo.fr) publié le 19 novembre 2021 (consulté le 10/07/2022)

[7] Planification en France — Wikipédia (wikipedia.org) (consulté le 10/07/2022)

[8] Ibidem