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Guerre en Ukraine, quelle réaction politique de gauche ?

Posté le 1 mars 2022 par Pierre Maulny

La guerre en Ukraine ouvre une nouvelle perspective internationale et stratégique en Europe. Elle met la France et l’Europe au double défi d’une réaction d’une extrême fermeté nécessitant de retrouver une politique de puissance. La désescalade et la diplomatie sont de fait les meilleures voies d’issue à ce conflit. Contre les bellicistes et ceux tentés par l’abandon de nos alliés et engagements il faut dire deux choses : il ne peut y avoir de victoire totale contre un adversaire nucléaire comme il n’y a pas de négociation sans force.

La réaction militaire nécessite déjà une remontée en capacité. Au niveau national, la modification de la donne stratégique implique une remontée en capacité militaire pour protéger la France comme le continent en lien avec les Européens et l’OTAN. Une hausse du budget de défense devient nécessaire. Elle doit se concentrer en priorité à court terme sur le sujet des munitions nécessaires à la crédibilité de nos armées. Celles-ci sont déjà déployées dans toutes leurs composantes dans le cadre OTAN, en Norvège, dans les pays Baltes, en Pologne, en Roumanie mais aussi dans les mers et océans et en particulier en Méditerranée où le Groupe aéronaval est passé sous commandement OTAN.

Ensuite, l’effort de réarmement doit se faire dans un cadre européen et en lien avec l’Allemagne. Les programmes d’armement ouverts par l’Allemagne par le discours d’Olaf Scholz ouvrent une perspective de remontée en capacité conjointe. A long terme, cette remontée doit passer par les programmes militaires européens déjà engagés qui doivent être accélérés. L’avion de combat européen, le SCAF, successeur du Rafale doit être définitivement lancé. Il en va de même du Tank européen de combat ou du Drone. Ces éléments ne seront toutefois pas disponibles avant plusieurs années nécessitant des efforts conjoints sur l’existant.

Cette fermeté militaire doit assurer la protection du pays et du continent et dissuader toute nouvelle avancée russe, en Finlande ou en Moldavie. Loin de réduire le canal diplomatique, la crédibilité de la posture des moyens non-nucléaires est au contraire un préalable à une négociation sérieuse avec la Russie permettant de dessiner une nouvelle architecture de sécurité collective sur le continent.

Au niveau diplomatique, la France doit maintenir le canal diplomatique ouvert et tout faire pour éviter une escalade déjà catastrophique. A ce titre, si le cessez-le-feu en Ukraine est un objectif absolu, il n’est ni crédible ni sérieux de souhaiter l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne dans le cadre d’une procédure d’urgence. L’article 42 du Traité de l’Union Européenne prévoit de fait explicitement une clause d’assistance mutuelle entre États membres de l’Union. L’entrée de l’Ukraine dans l’Union ferait ainsi basculer tout le continent dans une guerre totale aux conséquences terribles.

Le soutien à l’Ukraine se fait et se fera par un soutien sans faille à son gouvernement seul légitime et élu démocratiquement. La mise à disposition d’armements, de matériel humanitaire, l’accueil des réfugiés sont les perspectives à court terme. Si la Russie devait s’enfermer dans une logique d’invasion totale du pays et de renversement du Gouvernement ukrainien, l’accueil d’un gouvernement exil, l’aide à la résistance ukrainienne seront les choix s’imposant à la France et à l’Europe.

Dans ce moment de crise, inédit depuis les années 1960, le calme le plus absolu et le soutien aux efforts militaires et diplomatiques du Gouvernement Castex et du Président Macron sont une nécessité. L’échec de la diplomatie, la division, les propos non pesés, les postures bellicistes irraisonnées conduiront le continent à un nouvel abîme que la jeunesse actuelle ne verra pas simplement sur les réseaux sociaux mais bien au front.

Par Pierre Maulny, directeur des recherches du GSU, professeur agrégé d’histoire-géographie