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Cycle présidentiel : l’analyse des réformes constitutionnelles proposées par Emmanuel Macron

Posté le 22 mars 2022 par Jérémie Henrion

Emmanuel Macron lors de son discours à l’occasion du 60ème anniversaire de la Constitution de la Vème République, le 4 octobre 2018 dernier, tenu au Conseil Constitutionnel[1]

Le jeudi 3 mars dernier, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé dans une « lettre aux Français » publiée dans la presse régionale, sa volonté de briguer un second mandat. Arrivée tardivement, sa candidature est en pleine construction, l’annonce de son projet présidentiel également. Progressivement, ses propositions font surface, bien que l’ensemble reste relativement flou pour le moment. Qu’en est-il des réformes constitutionnelles qu’il souhaiterait mener pour le pays ? Alors que les mesures tombent au compte-goutte, une rétrospective des précédentes tentatives de réformes de la Constitution, menées sous son mandat, peut donner quelques pistes. 

            Lors de son discours du 3 juillet 2017, deux mois après son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron s’exprime en ces termes :  il indique désirer « un Parlement moins nombreux mais renforcé dans ses moyens, [donc travaillant] mieux ». «Moderniser» les institutions du pouvoir législatif est alors le leitmotiv des deux principales réformes constitutionnelles intentées durant son quinquennat. 

            D’abord en mai 2018, au sein du projet de “moralisation de la vie publique” porté pendant la campagne, un premier projet de loi constitutionnelle fait surface, « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace », constituant en une loi organique modifiant le nombre de parlementaires – à la baisse – et une loi ordinaire instaurant une dose de représentation proportionnelle. Quelle logique entre réduction du nombre de membres du Parlement et accentuation de la représentativité ? Il semble complexe de prime abord de la dénoter, puisque moins de députés signifie avant tout et pour tout moins de représentativité dans un pays aux 67 millions d’habitants. Les discussions avec le Sénat sont difficiles, notamment en raison d’un article de ladite réforme limitant le droit d’amendement des parlementaires. Alors que le manque de débat démocratique a plusieurs fois été pointé par l’opposition durant ce quinquennat, et que l’Assemblée Nationale comme le Sénat sont de plus en plus considérés comme des “chambres de réception” plus que comme des lieux de débats, il semblait d’emblée complexe qu’une telle réforme constitutionnelle puisse voir le jour. Quelques mois plus tard, la crise des gilets jaunes secoue le pays tout entier, suivie de l’affaire Benalla, qui éclate au grand jour. Face à toutes ces difficultés, l’exécutif est lourdement remis en cause, le projet est abandonné. 

            Mais le président ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. L’année suivante, en août 2019, un nouveau projet de loi constitutionnelle, intitulé « renouveau de la vie démocratique», voit le jour. Il prévoit une extension des domaines d’application du référendum prévu à l’article 11 de la Constitution. Il pourrait être utilisé à des fins de modification de l’« organisation des pouvoirs publics territoriaux » ou encore pour répondre à des « questions de société ». Quid de la précision du texte, dont les paramètres sont jugés bien trop flous par l’opposition, aux contours mal tracés. Mais le projet envisage également, une nouvelle fois, la limitation du droit d’amendement des membres du Parlement. Qu’espérait le Président par la réitération de ce qui provoqua l’échec de la précédente tentative réformatrice ? Surprise : rejet de la part du Sénat, avec des remous au sein même de la majorité présidentielle, avec entre autres pour motif d’opposition la liberté parlementaire et la démocratie représentative. Des reproches redondants en somme, dont la pertinence semble de plus en plus avérée par le manque de recherche de compromis tant dans la Chambre basse que dans la Chambre haute. Dans cette débâcle, la crise sanitaire, survenue début mars 2020, a fini d’enterrer le projet. 

            Les deux projets de réformes constitutionnelles portés par les gouvernements d’Emmanuel Macron ont ainsi échoué par des circonstances difficiles mais surtout faute d’accord véritable avec le Sénat. Mais au-delà des circonstances atténuantes, ne pourrait-on pas également percevoir un manque de volonté politique dans ces abandons bien rapides ? On a connu Emmanuel Macron bien plus persévérant voire combatif à propos de certains sujets, qu’il s’agisse de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche ou de celle de l’Assurance chômage qui, malgré de larges protestations, ont été adoptées à marche forcée. 

Un dernier projet de réforme constitutionnelle, moindre, confirme cette régularité dans le tatillon. En janvier 2021, le gouvernement présente, sur proposition du Président de la République, un projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution, relatif à la préservation de l’environnement. Une fois n’est pas coutume, le projet se solde par un échec, les deux lectures du texte au Parlement n’ayant pas donné lieu à un accord avec le Sénat. Comment penser qu’ajouter quatre mots dans la Constitution puisse effacer la prolongation du maintien d’autorisation du glyphosate dans l’agriculture française ou encore une loi climat et résilience jugée trop permissive et cosmétique par les organisations de protection de l’environnement ? Le Président du “Make our planet great again” (“Rendez sa beauté à notre planète”) n’a, semble-t-il, pas réussi à faire consensus sur cette réforme. La logique d’entreprise quelque peu caractéristique des méthodes de la présidence d’E. Macron se retrouve dans une telle tentative : l’écart entre le discours et l’action, les mots et les actes, la symbolique et les faits. Échec donc, la démagogie était peut-être trop visible cette fois-ci. 

            Mais alors, parmi tous ces succès, que reprendre pour 2022 ? Dans son premier discours de présentation de programme du 17 mars 2022 dernier, Emmanuel Macron affirmait : « nous avons aussi besoin d’améliorer la représentativité [de nos élus]. Je suis à titre personnel et je continue [d’être pour] plus de proportionnalité ». L’apport en la matière paraît léger. Pis encore, fera-t-il vraiment preuve de volonté politique, en proposant davantage que ce qu’il n’a pas réussi à mettre en œuvre en cinq ans de présidence ? Le sujet constitutionnel est éloigné des principales préoccupations des Français d’après plusieurs enquêtes d’opinion, mais l’importance de certaines réformes n’est pas à négliger quand on constate un peu plus chaque jour la double crise de confiance et de représentativité dont souffrent nos institutions. Le thème n’est d’ailleurs pas en reste dans les programmes de plusieurs opposants majeurs à Emmanuel Macron. À l’heure actuelle, nous n’en savons pas plus sur le projet du président-candidat en termes de réforme constitutionnelle. Le « projet présidentiel » dernièrement mis en ligne sur le site de campagne « Avec vous » n’inclut d’ailleurs pas une seule fois le mot « Constitution ». Que reprendra alors Emmanuel Macron de ses précédentes tentatives de réformes constitutionnelles, au-delà de l’introduction d’une « dose » de proportionnelle à l’Assemblée Nationale ? Quelle sera sa ligne, si ce n’est la “modernisation”? La Constitution de la Vème République l’arrange peut-être finalement. Pourquoi en modifier le corps ? Affaire à suivre. 

Jérémie Henrion, membre du pôle institution


[1]  https://www.francebleu.fr/infos/politique/la-reforme-constitutionnelle-1538670571