Groupe Socialiste Universitaire


Institutions, Le GSU, Opinion

Cycle présidentiel : Fabien Roussel : la constitution des « jours heureux » ?

Posté le 24 mars 2022 par Mehdy Abdelli

Fabien Roussel, Député du Nord

Fabien Roussel souhaite dans le cadre de son programme présidentiel La France des Jours Heureux,  “bâtir une nouvelle République et rendre au peuple sa pleine souveraineté”. Cette «constitution du bonheur » part d’un constat fait selon lequel l’autoritarisme du pouvoir ne cesse d’augmenter par un recours aux ordonnances, empêchant les Français et les Françaises de s’emparer des débats fondamentaux ; par un bâillonnement des oppositions au sein des assemblées ; par une mise à l’écart des parlementaires dans la gestion notamment de la crise sanitaire et par un hyper présidentialisme. Ce programme institutionnel « des jours heureux » se décline en plusieurs axes.

Le premier est de repenser le rôle et la place du pouvoir du président de la République, puisqu’il en dénonce sa verticalité. Dans ce cadre, il souhaite réduire sa prééminence en proposant la suppression de son élection au suffrage universel et en le cantonnant à un rôle de représentant de la Nation. Mais nous pouvons noter une absence de propositions sur la durée du mandat présidentiel et sur le nouveau mode d’élection du président. Le constat est ainsi fait selon lequel le « bonheur » passerait par un président de la République moins présent et moins dominant.

Le second axe est de redonner une primauté au parlement, qui serait ainsi le cœur névralgique du pouvoir. Pour cela, le parlement deviendrait maître de son ordre du jour. Il investirait le premier ministre et le gouvernement, qui seraient responsables uniquement devant le parlement. Ces dispositifs s’accompagneront de l’abrogation de l’article 49.3 de la constitution et de l’article 40, afin que toutes propositions soient votées par le parlement. Cependant il se pose la question de savoir s’il est possible réellement de gouverner sans ces mécanismes ? … Peut-être qu’il ne s’agit pas d’un problème dans la France des Jours Heureux. Ces mesures illustrent ainsi une volonté de détacher le parlement du gouvernement, en s’inscrivant dans une démarche différente des pratiques qui ont fait cours durant ces 5 dernières années. Elles se rapprochent sur cet aspect de la 6e République voulue par Jean Luc Mélenchon dans son programme L’Avenir en Commun mais plus largement des propositions des différents candidats de gauche sur le Parlement.

Afin d’assurer « la juste représentation des courants politiques, en fonction de leur influence électorale », la proportionnelle intégrale sera également mise en place lors des élections législatives, le cumul du mandat des parlementaires sera limité dans le temps et la parité sera promue dans toutes les assemblées élues. Cette proportionnelle intégrale pourrait ainsi permettre de représenter tous les courants politiques, de mettre en avant une diversité du vote des Français et donner une plus grande légitimité au Parlement. Le « bonheur » ne passerait ainsi pas par cette juste représentation des courants politiques ?

Cependant, la vision proposée par Fabien Roussel semble comporter des manques. En effet, il n’est pas évoqué la question de la durée du mandat présidentiel, de la temporalité des élections, ni celle de la concordance qui existe actuellement entre élections présidentielles et législatives. Or il s’agit de questions majeures. En effet, depuis 2002 et les élections législatives qui suivent les présidentielles, le taux d’abstention aux élections législatives n’a fait que grimper. Il aurait donc été intéressant d’avoir l’avis de Fabien Roussel sur cette problématique et plus largement sur comment faire réduire le taux d’abstention aux différentes élections. Comment la « France des Jours Heureux » pourrait être réellement « heureuse » si les Français ne votent pas davantage qu’aujourd’hui ?

Le troisième axe est de redonner du pouvoir au citoyen, l’impliquer pleinement. Fabien Roussel promeut dans ce sens des initiatives qui font preuve d’une certaine originalité. En effet, il propose un droit de pétition permettant à 500.000 signataires de pouvoir faire inscrire une proposition de loi à l’ordre du jour des assemblées. En outre, le référendum serait uniquement d’initiative citoyenne, portant sur des questions d’organisation des pouvoirs publics, des changements constitutionnels et des traités internationaux. Il souhaite également instaurer le droit de vote pour les étrangers lors des élections locales et européennes mais ne s’est pas prononcé pour le vote des jeunes à 16 ans, contrairement aux autres candidats de la Gauche qui en font une priorité . La question de la jeunesse sur le plan institutionnel est en effet assez peu traitée dans le programme de Fabien Roussel, face notamment à L’Avenir en Commun de Jean Luc Mélenchon. Fabien Roussel justifie sa position sur le vote à 16 ans par le fait qu’«il faut commencer par convaincre ceux qui ont plus de 18 ans et qui ne votent pas» comme dit face aux jeunes à la Maison de la Radio de Paris le 22 Février 2022. La cible de Fabien Roussel ne semble ainsi pas être en priorité la jeunesse mais les classes populaires.

Le quatrième axe est de donner un rôle plus important aux collectivités locales, afin de décentraliser le pouvoir. Dans ce cadre, les lois NOTRe, MAPTAM et 3DS seront abrogées. La question des prérogatives des différentes collectivités sera soumise à une réflexion ultérieure, tout comme celle de la simplification des échelons territoriaux. Le découpage régional sera révisé et la clause générale des compétences sera rétablie pour les Départements et les Régions, qui pose la question de la cohérence des mesures proposées. En effet, elle accorde aux collectivités une capacité étendue pour justifier leurs décisions et leurs domaines d’intervention sans être limités par leurs compétences. La rétablir pour les Régions et Départements risque de davantage compliquer l’action publique, dans une compréhension difficile des compétences de chaque collectivité et irait contre une simplification des échelons territoriaux. Il aurait été également intéressant d’avoir son avis sur l’échelle métropolitain et intercommunal et sur une éventuelle suppression des Départements.

Enfin, à propos de l’exemplarité des élus, Roussel souhaite supprimer l’immunité judiciaire du Président de la République, afin de le rendre responsable des actes accomplis. Il souhaite aussi instaurer l’impossibilité de se présenter au suffrage universel et d’exercer un mandat public si un élu ou une élue est condamné pour haine raciale ou malversation financière.

On peut finalement se poser la question de savoir si la constitution proposée par Fabien Roussel est-elle réellement celle du « bonheur », satisfera-t-elle davantage les français et les rendront-ils plus « heureux » ? En outre, ces mesures peuvent-elles réellement ramener les classes populaires « à la maison » comme le dit Fabien Roussel dans ses différents meetings ? La France des jours heureux est-elle finalement la France des classes populaires ?

Mehdy Abdelli, membre du pôle institutions

Source : Site internet de la candidature de Fabien Roussel, Mars 2022